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 eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret

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lomig
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MessageSujet: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyLun 29 Mai 2006 - 23:26

Analyser la biopolitique de nos jours, observer les processus à l'œuvre de nos jours dans les relations de pouvoir, les stratégies mises en place pour contrôler une certaine population, c'est ce que tente de faire Dominique Memmi dans des espaces de micro-physique du pouvoir comme l'hôpital ou le planning familial. Dans Faire vivre et laisser mourir, elle nous fait entrer dans le milieu hospitalier où médecins et patients prennent de graves décisions concernant le début ou la fin de vie.

Les sanctions, les interdits, le tribunal désertent l'espace éthique concernant le début ou la fin de la vie. C'est la dépénalisation de certaines conduites qui arrive dans les années 60 et 70: dépénalisation du recours aux contraceptifs en 1967, de l'avortement en 75, du changement de sexe en 1976 . On assiste donc au retrait des sanctions concernant certaines conduites, mais pas à la proclamation de droits formels, ce que Dominique Memmi interprète comme une tendance à la surveillance plus qu'à la punition , bien que soit encore pénalisé l'auto-avortement, par exemple.
Cette surveillance s'effectue surtout par l'économie: il y a une prise en charge économique de l'avortement, qui peut être interprété comme l'effet de reconnaissance sociale, mais pour d'autres conduites, il n'y a pas de reconnaissance juridique et ni de couverture sociale. L'aléa biologique est géré comme un mode d'exercice de la biopolitique qui pourvoit ou retire l'aide économique .

La fonction de contrôle quant à elle est exercée par le rôle que joue la "conformité biographique" . Ce que cela signifie, c'est que pour la gestion de ces aléas biologiques, il faudra se présenter devant un médecin. Celui-ci ne demande "presque rien", juste ce qui nous amène ici. Ce récit du "presque rien" est devenu un mode de gouvernement des conduites, un gouvernement par la parole, où le sujet doit énoncer au praticien les bonnes raisons qui mèneront ce dernier à la pratique .

Ce sont là les modalités actuelles du pouvoir social et politique sur les décisions de vie ou de mort. Le pouvoir sur la vie s'est accru: plus arbitraire, sans référents naturels, pour définir les limites de l'intervention légitime sur le corps humain, puisque les ruptures que représentaient la vie et la mort sont de moins en moins nettes.

Nous avons donc assisté depuis quelques décennies à une multiplicité de changements juridiques, et à l'arrivée de nouveaux dispositifs qui permettent d'administrer la naissance et la mort . Ainsi l'avortement est autorisé mais son interprétation est multiple en ce qui concerne son application. Ainsi, nous sommes toujours confrontés aux jugements sociaux sur l'avortement .
Le contrôle de cette pratique se fait par trois entretiens successifs, deux consultations médicales et un entretien "social". Voilà le nouveau mode de gouvernement des conduites. Avec ces entretiens, en vérifiant la conformité biologique des personnes concernées, on filtre leur passage jusqu'à la pratique, voire on les convainc sur certains points. C'est pourquoi Dominique Memmi parle d'éducation du regard et de police discursive .
Cela ne joue pas que dans un sens. Quand, par exemple, la conseillère familiale montre des graphiques, elle permet l'appropriation par le regard avant d'être une appropriation de soi. L'échographie joue le même rôle de pédagogie de la grossesse: Les personnels hospitaliers insistent sur le fait qu'on a "toujours intérêt à montrer la vérité". Mais cette éducation du regard change aussi la position sur le désir d'avorter de la femme selon la manière d'administrer ce regard . On les empêche d'avoir recours à l'imagination et de se culpabiliser par ces images et les discours.
L'éducation du regard, on peut aussi l'observer quand une infirmière ou un médecin ordonne à la patiente de regarder dans ses pertes de sang, pour voir si elle trouve l'ovule et le ramener à l'hôpital, en cas de prise de pilule abortive. Les limites de manipulation du corps doivent être instituées, et cela par la reconnaissance de son corps propre.
Ces relations de pouvoir permettent la transmission de ce qu'il est légitime ou non de faire avec le matériau corporel. On tente de faire en sorte que les patientes se réapproprient ce processus. Cela représente une stratégie pour imposer une vision sur le statut de l'embryon: Finalement, le but de l'institution hospitalière et par extension du discours qui est tenu en ces lieux est d'imposer une définition socialement acceptée sur le début de la vie.
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MessageSujet: Re: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyLun 29 Mai 2006 - 23:27

Une gouvernementalité discursive

Avant toute chose, il faut rappeler que dans tout rapport de communication, il y a un rapport de force. Il est tout autant présent lors des entretiens avec les patients. Cette violence symbolique entre le médecin et le patient peut être vue comme une dissonance de culture somatique, elle-même issue d'une culture de classe. On observe en effet des rapports de force très fréquents entre les "grands bourgeois" et les médecins, par le biais de marchandages constants sur les techniques. Mais on observe aussi le contraire avec les classes populaires, plus enclines à l'évitement, à biaiser la réalité .
Pour partager la même culture somatique et que l'entretien se passe avec le moins de violence symbolique possible, le médecin doit être confronté à des personnes de classe moyenne: l'infériorité sociale est supportable pour le patient mais ils sont relativement proches culturellement .

La surveillance se fait plus souple, dépendante des dispositions sociales et politiques des divers interlocuteurs imposés aux candidates à l'avortement. On observe le souci de parole comme gestion singulière et collective de ces pratiques sociales. Même quand la patiente est soumise à un régime expéditif du gouvernement des conduites, certaines personnes vont la faire parler , comme les infirmières par exemple.
Ce contrôle des conduites se veut non autoritaire: il se fait par le counselling, la parole des interlocuteurs, même si parfois, dans certains cas, les sollicitations biographiques remontent très loin. Dans certains cas de consultation pour une AMP, on observe une surveillance biographique accrue, digne d'une inquisition assez profonde, mais nous devons souligner que cela est assez marginal .
Le cas de l'entretien n°1, qui se trouve en annexe en est l'exemple typique. On y voit deux patients qui se trouvent gênés, choqués par les demandes du médecin, peu respectueux.

Au contraire, un avortement pour motif de détresse ne sera pas vérifié par qui que ce soit (ni le médecin, ni l'établissement, ni l'entretien "social"). Elle a droit à des informations, des conseils, un dialogue. Le récit biographique est mesuré à l'aune d'un récit légitime attendu par les experts . Ce qui importe, c'est le principe d'un contrôle par lequel sont encadrés les discours que les "je" produisent sur eux-mêmes. On passe ainsi d'une police des corps à une police des récits . On aboutit à des procédures d'aveu avec auto-contrôle.

Mais l'on voit aussi opérer la normalisation par la disqualification discursive de certaines pratiques à la marge d'un modèle plus ou moins explicite. On observe aussi une certaine dépréciation par exclusion discursive ou taxinomique. Nous pouvons prendre la stérilisation comme exemple: en France, elle n'est pas considérée comme une méthode de contraception, contrairement aux USA . Le jeu de ces dépréciations et appréciations se fait à la faveur de joutes lexicales (ex: les controverses sur le nom à donner aux "mères porteuses", aux "prêts d'utérus", etc.). Par exemple, le personnel soignant n'utilisera pas le même vocabulaire selon le type de grossesse. En cas d'IMG: on parlera de fœtus, d'expulsion, de salle de travail, et en cas de naissance, on parlera de bébé, d'accouchement, de salle de naissance. Le discours permet d'accommoder la réalité ; cette lutte sur les mots représente un des aspects principaux de la pédagogie discursive . Le terme "éthique" lui-même, et toute la production discursive qui en dépend a une valeur de normalisation de certaines pratiques .

L'aveu et la confession jouent donc le rôle du biopouvoir, qui est ainsi délégué au citoyen, grâce à ce gouvernement par auto-contrôle. On y établit avec quelle intensité, quelle part de lui-même un patient doit participer au contrôle des pratiques sociales. On tente ainsi de favoriser la conscience du sujet .
Cet auto-contrôle, c'est la rencontre entre les différents acteurs espacée par des délais de réflexion, qui laissent le temps entre soi et l'objet du désir. Le patient incité à parler aborde le rapport au corps et aux affects. Il y a un détournement des tendances spontanées dans le fait de parler des problèmes privés en public, mais le rapport au temps permet une réfléxivité minimum, qui institue une médiation entre l'individu et la pulsion. Voilà l'auto-contrôle du patient. En ce qui concerne les médecins, l'auto-contrôle se joue sur le fait qu'il n'impose pas sa décision, sa parole explique, informe, symbolise, mais il ne dispose pas du corps d'autrui sans son consentement, et ne peut pas non plus oublier sa liberté de choix. L'auto-contrôle des praticiens est encore plus flagrant, on l'observe lors des comités d'éthique: La parole est le premier lieu de l'auto-contrôle, et le rapport au temps est valorisé par les notions de prudence ou de phronesis .

Nous allons aborder maintenant le contrôle narratif dans le cas de l'AMP (assistance médicale à la procréation) et la fabrication du sujet telle qu'elle a été observée lors des entretiens avant IMG (interruption médicale de grossesse).
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MessageSujet: Re: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyLun 29 Mai 2006 - 23:28

Le contrôle narratif

Les entretiens pour AMP sont souvent l'occasion d'une sollicitation biologique beaucoup plus serrée qu'à l'ordinaire pour une meilleure régulation des cas qui se présentent. A cela s'ajoute des entretiens avec des psychologues ou des psychiatres, et la concertation au sein de l'équipe "médicale".
Les gens sont souvent en situation de désespoir face au refus d'AMP, et le médecin gère cela en indiquant que ce n'est pas lui qui refuse, mais bien la loi. Il tente ensuite de mettre d'accord les patients sur le fait que ce n'est pas souhaitable .
L'examen de passage se joue sur l'enquête de motivation, où le médecin vérifie qu'il existe bien un projet parental et un véritable désir d'enfant. En quelque sorte, ils vérifient l'existence de vouloir-faire et de non pouvoir faire.
Quand à cela s'ajoute les plaintes dans le récit et les pleurs: alors la demande devient socialement recevable. Mais les médecins ne font pas qu'un contrôle explicite, la vérification se fait aussi par les sensations: "on le sent", disent les médecins, ils ont une "impression", cela "paraissait", et ce jugement permet de valider ou non l'enquête de motivation .

Ils effectuent aussi une sorte de contrôle de la déviance. C'est-à-dire qu'ils veulent bien regarder la loi, mais pas faire la morale. Ou bien, ils vont déléguer cette aptitude à contrôler aux travailleurs sociaux et aux psychiatres, ou ils tentent de faire en sorte que leur jugement soit naturalisé. Ainsi, parfois, les normes biologiques sont mobilisées contre la volonté des patients: une trop grande différence d'âge peut être, par exemple un point d'appui au jugement, qui sera naturalisé. On assiste comme cela au fait que certaines normes sociales vont être assises sur une certaine vision de la normalité biologique. Mais les médecins font aussi jouer le principe de primum non nocere en cas de maladies graves, quand la nature reprend ses droits ; En prescrivant un examen, en incitant à vérifier les courbes de températures, à faire des tests (des rapports sexuels), il y a à la fois une entreprise de naturalisation des décisions et un vrai gouvernement des conduites .

C'est encore plus visible en ce qui concerne leur propre corps. Il suffit qu'elles soient boulimiques, dépressives, impatientes, contradictoires, inconstantes, alors on leur impose un certain devoir physique .
On fait participer les patientes à la narrativité médicale, ce qui opère une requalification de l'incompétence naturelle (cela se fait avec le récit du médecin sur des diapositives). Les fragilités, les obstacles sont figurés, pour dédramatiser la situation. Lorsque certaines patientes sont mécontentes, qu'il y a un conflit autour des capacités de leur corps, s'organisent de véritables joutes narratives, tout le travail du médecin est de faire du patient un profane quand lui est spécialiste, au lieu de favoriser la capacité du patient au "regard intérieur". L'autorité des médecins se double d'une certaine docilité sociale à leur égard la plupart du temps. L'intervention du médecin est régulatrice car elle permet la qualification du pouvoir-faire .
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MessageSujet: Re: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyLun 29 Mai 2006 - 23:31

La fabrication du Sujet

Le mythe du "sujet triomphant" est encouragé par les dispositifs de contrôle eux-même . Nous nous plaçons ici dans les analyses faites lors des entretiens pour les IMG.
Bien que le choix soit formellement laissé aux patients, il y a un travail préalable effectué par l'équipe soignante. Il s'agit de mise en ordre de l'imaginaire corporel, du frottement des habitus: éviter les dissonances cognitives quand à la définition légitime de la déviance biologique, pour imposer comme allant de soi les représentations sur les vies méritant d'être vécues. Cette régulation passe par l'influence du praticien, son aptitude à vulgariser ses préférences en termes aptes à drainer les réactions affectives des patients. Pour "redresser" les pratiques, le médecin fait appel à l'imaginaire qui va être "redressé".

En ce qui concerne les décisions de recours à l'IMG, les praticiens sont libres de faire prévaloir leurs conceptions de ce que les autres peuvent supporter. Les patients sont clairement en situation de dépendance ( ils ont besoin d'un papier d'autorisation de 2 médecins qualifiés). Aucun entretien ou concertation n'est exigé par la loi: mais il y a tout de même un examen du cas et une discussion entre médecins. Les motifs sont définis essentiellement en termes médicaux créant un déséquilibre patient/médecin, et rien dans les motifs n'est retenu sur l'intolérance sociale ou psychologique du handicap, et la détresse n'est pas non plus prise en compte (hors cas exceptionnels). Il s'agit de voir qu'il y a bien un pouvoir écrasant du praticien, qui en devient disproportionné, puisqu'il n'a aucune limite dans le temps et reste souverain quant à la décision. Il évalue subjectivement la particulière gravité du handicap et impose sa propre conception des vies méritant d'être vécues .
Le patient a en général une conscience fortement troublée, une image diminuée de lui-même face à ce pouvoir excessif des praticiens.

Mais malgré cela, on fait croire au patient qu'il décide souverainement, librement, comme un sujet rationnel et autonome. Pour fabriquer ce sujet-là, on fait croire comme venant des patientes la demande d'IMG, car on ne peut pas avorter une femme sans son accord.
L'institution au lieu de fabriquer un sujet libre ne fait que le rendre plus dépendant face à la situation et aux avis médicaux. Pour montrer à quel point le sujet est souverain, le médecin ne dit pas "on a décidé", il dit "on vous propose" et il insiste bien sur le fait que c'est la décision du patient. ("Ce n'est qu'une proposition de docteur, hein?", ou "on pense que c'est tellement grave qu'on estime qu'on doit tout arrêter maintenant […] mais c'est votre décision à vous, il faut qu'elle soit prise en toute conscience." )

En plus d'avoir la volonté de pratiquer l'avortement et d'être souverain dans sa décision, le patient est éclairé par une consultation d'expertise qui va agir de manière séquentielle en rappelant:
1. L'état de l'opinion (analyse ce qu'on en dit autour de la famille)
2. Les faits scientifiques: problèmes liés aux bébés. Os cassants, cerveaux qui saignent, cerveaux "papier à cigarette", etc. (cf entretien 2 en annexe)
3. Le savoir juridique. (on expose ce que dit la loi)

Et en conclusion, le médecin: "cela veut dire, que si vous décidez d'interrompre votre grossesse madame, la loi vous l'autorise et, en tant qu'expert, je suis d'accord" .
La seule importance de ces entretiens n'est pas que le patient parle beaucoup ou donne son opinion, mais qu'il "opine" par un mouvement de tête suffira largement .

Enfin, le patient doit avoir une conscience non troublée, affranchie de toutes dépendances (famille, groupe, couple), car cela gêne les praticiens quand un élément familial est là, il représente un trouble dans la fabrication du sujet. Le sujet ainsi fabriqué est affranchi de toutes ses déterminations internes. Il est limité à sa conscience: autocontrôlé et autocontrôlable. Il faut contenir l'ambivalence du désir des patients, ce que les services médicaux refusent de réguler .
Ce sujet idéal, éclairé, qui opine, doté d'une conscience solitaire et non troublée est une construction de l'institution qui suit un modèle idéal

En lieu de biopolitique, il vaudrait mieux parler ici de bioindividuation, puisque le contrôle est laissé aux individus de gérer leur reproduction. Ce type de Gouvernement qui confie la gestion rationnelle d'un objet à un individu dont il entend réguler les usages s'appelle la bioindividuation .
Trois phénomènes vont dans le sens de l'individuation:
- La croyance en un sujet triomphant, bizarrement encouragé par les dispositifs de contrôle.
- Le sujet a une ratio apte à l'évaluation et au calcul
- Il a une conscience éclairée, et n'a pas d'inconscient ou de part d'irrationnel .

On voit donc que les agents sociaux intériorisent le discours de l'Etat et les reproduisent lors des procédures, ce qui revient à une forme d'autorégulation (contrôle des discours que les "je" produisent sur eux-mêmes par la "police des récits"). L'avènement d'un auto-contrôle par intériorisation de récits légitimes organisé par l'Etat va avec le culte d'un sujet représenté et vécu comme maître de ses déterminations biologiques .
Mais nous nous devons de constater qu'il y a un manque flagrant d'autonomie: il faudrait que les individus comprennent les questions et implications de leurs volonté, disposent des informations pour traiter convenablement ce problème et disposent aussi d'une force sociale suffisante pour donner un avis contraire à celui du médecin .
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MessageSujet: Re: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyLun 29 Mai 2006 - 23:33

Entretiens de Dominique Memmi présents dans l'ouvrage : Faire vivre et laisser mourir.


Entretien n°1 : "Pourquoi ces deux-là n'ont-ils pas eu d'enfant?" p145-147

Un couple français d'une trentaine d'années, classe moyenne. Un sperme apparemment de mauvaise qualité.

Médecin (M) – Vous êtes envoyés par le docteur Y?
Lui – Oui.
M – Bon, je vais vous poser quelques questions. Le spermogramme que vous avez fait, c'était quand? […] Vous vivez ensemble depuis quand?
Lui – Une dizaine d'années.
M – Et vous voulez un enfant depuis quand?
Elle – Janvier 2000. (On est en juin 2001)
M – Entre-temps, vous avez pris un moyen de contraception?
Elle – Oui, la pilule.
M – Vous n'avez jamais été enceinte?
Elle (avec fermeté.) – Du tout.
M – Et qu'est-ce que vous avez fait?
Elle – Tout un tas de tests… Je les ai amenés, si vus voulez. (Elle les sort.) Ensuite la gynécologue m'a parlé… Je pense qu'elle a senti une angoisse chez moi…
M – Une angoisse? Pourquoi? Vous aviez des raisons d'être angoissée? (Silence.) Vous avez fait quels examens? […] Et quels autres examens? Une échographie? (Tous les examens se sont révélés normaux, jusqu'au moment où ils ont découvert que c'était le sperme du mari qui posait problème.)
M – Qu'est-ce que vous faites comme métier, madame?
Elle – Agent commercial à l'Aéroport de Paris, en horaires décalés.
M (ton dégagé.) – Qu'est-ce que ça veut dire, "horaires décalés"? ça gêne votre vie de couple?
Elle – Non…
M – Et vous monsieur, que faites-vous?
Lui – Technicien "méthodes", méthodes de production… J'organise la production dans une entreprise.
M – Donc vous n'êtes pas exposé à des produits toxiques?
Lui – Non.
M – D'accord. Quand vous avez fait cet examen de sperme, ça a été une surprise? Vous en avez parlé avec votre généraliste? Vous avez été malade dans les quelques semaines qui précèdent? (Ils sortent pour un examen des bourses du mari.)
Bon. St-ce que vous avez des questions?
Elle – Plein! D'abord, est-ce qu'on a des espoirs? Pas d'espoirs?
M – On ne peut pas dire pas d'espoir. Bon, voyons. Comment se présente la situation? Vous avez attendu un peu avant d'avoir un enfant… Bon, si le spermogramme perdure comme ça, les chances ne son pas nulles, mais faibles, parce qu'on sait que la mobilité [ne s'améliore pas?] […] Alors la seule donnée qu'on ait, c'est qu'il n'y a aucune maladie.
Elle – Ah bon!
M – La seule chose que je vous ai pas demandée, c'est… Quel est le rythme de vos relations sexuelles?
Elle – Le quoi… Pardon? Oh… ce n'est pas toutes les semaines, hein, sur un mois, on le fait… trois fois par mois…
M – Et vus le faites à certains moments?
Elle – Oui, on cible…
M – Vous en avez parlé avec votre gynécologue?
Elle – De quoi? Des rapports? Ou le fait de cibler?
M – Le fait de cibler?
Elle – Non.
M – Bon, la chose à faire pour le moment […]. (Exposé technique.) Quel est votre degré d'abstinence pour le moment?
Lui – Quinze jours.
M – Combien?? Ça fait quinze jours?
(Elle se sent apparemment obligée d'expliquer qu'elle venait de recevoir l'analyse de sperme de son conjoint et que leur médecin leur a recommandé l'abstinence avant d'en faire un autre. Le praticien leur explique alors la fécondation in vitro dont ils vont bénéficier.)
Est-ce que vous avez d'autres questions?
Elle – Non, c'était tout. On voulait savoir. On s'était déjà fait expliquer la chose…
M – Votre dernier rapport sexuel, c'était il y a quinze jours… C'était précis ça?
Elle – Non, c'était pas très précis.
M – O.K. Bon. On fait comme ça?
(Ils se lèvent. Ils se saluent. Fin de la consultation)



Entretien n°2 : "Mais je sais que c'est pas un vrai choix" p171-172

Entretien standard, durée : cinq-sept minutes.
Un cas de trisomie 21, un couple mauricien, ils ont déjà un enfant.

Médecin (M) – "-Donc, on a fait une amniocentèse le 1 janvier. Et on fait une échographie aussi. Ça a donné quoi? On vous a expliqué le sens de ce que cela a donné?
Patiente (P) – Non. Enfin, si… On m'a dit que c'était un bébé de trisomie 21? Et que c'était pas bien de garder des bébés de trisomie 21…
M (il coupe) – Je ne sais pas ce qu'est un "bébé de trisomie 21". Ce qui est sûr, c'est ces bébés là, ils rencontrent madame, trois sortes de problèmes. D'abord ces bébés là, ils ont, plus souvent que les autres des malformations associées : des malformations du cœur, des reins, du cerveau. La deuxième chose qu'ils ont, ces enfants-là, c'est des maladie des glandes. Cela veut dire…Et la troisième chose, qu'ils ont, ces bébés là, c'est un retard d'intelligence. Bon, c'est difficile d'apprécier ce qu'est l'intelligence… On dit que pour un français, ou un mauricien, un QI normal, regardez, va jusque-là. Les trisomies 21, eux, ils sont là, vous voyez? Devant une situation comme ça, on peut faire deux choses : la première, c'est de laisser faire les choses. Il faut comprendre que les malformations sont graves et ne vont pas s'améliorer. L'autre possibilité légale, c'est de demander une IMG. Alors le texte dit… (il lit le texte de loi.) Cela veut dire que si vous décidez d'interrompre la grossesse, madame, la loi vous l'autorise et, en tant qu'expert, je suis d'accord. Mais je sais aussi que c'est pas un vrai choix.
P – Ah, c'est pas un vrai choix?… (elle se met à pleurer).
M (silence) – Non (long silence).
M (il reprend, efficace) – Donc, c'est ce que vous avez décidé? (Elle hoche la tête en pleurant.) Cela me paraît raisonnable… Il faut penser à l'aîné, hein?
P – Oui.
M – Qu'est-ce qui vous fait l'IMG? Votre médecin? Bon. On va le faire le plus rapidement possible (il téléphone à la secrétaire : vous pouvez venir pour un protocole? La secrétaire entre immédiatement). Carole, vous allez lui faire un protocole d'expertise. Voilà madame : vous donnerez ça en bas, à la caisse en partant. (Un temps d'arrêt.) Je voulais simplement vous dire que c'est une trisomie accidentelle, et que pour les autres grossesses que vous aurez, vous n'aurez pas plus de risques que pour les autres couples. Et on va faire les choses sans hâte. Ne serait-ce que parce qu'il faut attendre que votre utérus fasse des contractions…" (Il se lève. Ils se saluent et se séparent.)


Entretien n°3 : "Mais qu'est-ce qui peut m'aider à prendre une décision?" p173-175

Un cas de trisomie 21; Lui, absent de l'entretien : ingénieur commercial; elle, conseil en propriété industrielle, habitant Versailles, catholique.

Patiente (P) – Voilà (agacée), on m'a annoncé une trisomie 21 comme ça, par téléphone. J'avue que j'ai été un peu surprise (il faut entendre "mécontente").
Médecin (M) – Avant qu'on se parle, je voudrais, madame, qu'on fasse davantage connaissance.
P – Très bien. (Elle raconte alors spontanément que c'est sa deuxième grossesse "heureusement", la première ayant eu lieu grâce à la procréation assistée, il y a six ans. Elle voudrait refaire des analyses pour être sûre qu'on a affaire à une trisomie. Elle se dit qu'on a peut-être fait une erreur d'éprouvette. Elle prend conscience de ma présence et, fait totalement inusité, me parle et m'invite à me rapprocher si je veux, puis me réoublie. Elle continue. Elle est prolixe. Le médecin la ramène au dossier médical.)
M – Quel est votre âge?
P – 38 ans. Je veux vous dire qu'au bout d'une semaine (depuis l'annonce), j'ai fait un travail psychologique considérable. Ça, ça vaut pour la mère (que je suis) en tout cas, pas pour le père. Il n'a même pas compris. Cela dit, moi j'ai fait une psychanalyse. J'essaie de vivre en harmonie avec ce que je peux vivre en profondeur.. Une amie m'a fait sortir mon émotion, mon sentiment…
M – Bon. L'échographie était normale?
P – Ben, en fait je ne remets pas en question la médecine, hein? Mais j'avais lu un livre sur l'Eloge de la différence… (Elle continue. Il coupe.)
M (revenant sur la question de la certitude du diagnostic) – A mon avis, c'est une erreur de faire un autre examen. Ce n'est jamais arrivé qu'on fasse une erreur de tube…
P – Non, non, c'est pas ça… Mais avorter de mon…enfant, parce que pour moi, c'est mon enfant.
M – Si cela ne vous est pas évident, pour nous c'est évident. Mais si vous avez un doute, à la limite, il faut le faire (l'examen). Mais je crois que finalement, ce n'est pas la peine… (Il embraie sur la description clinique du cas.) C'est des enfants qui ont des problèmes mentaux… […] C'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas être autonomes et qu'ils ne peuvent pas s'intégrer socialement…
P – Oh, je ne suis pas très mondaine… mais ça veut dire qu'il ou elle – parce que c'est une petite fille! – sera enfermé!… Intellectuellement, j'ai pris la décision, mais j'ai peur de ne pas pouvoir l'assumer.
M – Je crois que le plus important, c'est que la décision soit prise. Ça, c'est le plus important. Et il y a un élément que vous n'avez pas pris en compte : c'est l'enfant que vous avez déjà!
P – Mais comment on fait pour prendre une décision? Vous savez, je prends des décisions en trente secondes normalement…
M – Alors, il vous faut prendre votre temps… Vous avez parlé à vos parents? Et votre mari?
P – Ils sont tous pour l'avortement.
M – Il y a bien une solution légale…
P – L'abandon. Non, il n'en est pas question. Non… peut-être que la deuxième amniocentèse, ça serait une manière de prendre du temps?
M – Non, il faut décider, sinon on est dans le déni.
P – Mon mari, il dit que, si je décide de poursuivre, je l'assumerai seule. Je ne peux pas.
M (un peu las) – ça fait partie des paramètres à prendre en compte. […]
P – Mais qu'est-ce qui peut m'aider à prendre cette décision?
M – Je n'ai pas moi d'opinion personnelle quant à cette grossesse-là. Mais je voudrais que vous en ayez une. Il y a des associations de parents trisomiques. Mais quand on a des enfants trisomiques, on ne peut plus avoir la même opinion que quand on en attend un.
P – Alors autre chose : c'est un fœtus ou un embryon?
M (soupir, un peu décontenancé) – Je n'en sais rien…
P – Parce que je suis juriste, et vous savez que l'embryon a plus de droits que le fœtus…
M (très poli) – Je crois que vous vous trompez.
P – Oui, enfin un enfant, un bébé, il a des droits…
M (agacé) – C'est quoi : un embryon, un fœtus ou un bébé?
P – Un bébé, c'est un bébé, c'est mon bébé. D'accord, pour les autres ce n'est pas un bébé, c'est "un embryon et dépêche-toi d'aller avorter". Ça n'arrête pas! Pour moi, ça fait trois mois que c'est un bébé; et puis, tout d'un coup, "c'est un embryon". Mais attendez! Même mon mari! Et ma cousine, elle m'a dit : "Je me suis renseignée, c'est un embryon, qu'il était même pas sexué, et (elle m'a dit) que c'était… rien." Alors du coup, j'ai fait des recherches dans les textes du code de la santé publique. Parce qu'on m'interdit de me sentir mère! Mais moi je me sens mère! Bon… Je vais avorter, mais je veux le faire BIEN. Ça fait une semaine (que je pense ainsi) : je voudrais savoir si j'ai l'autorité parentale sur ce bébé, si je pourrai donc l'inscrire sur le livret de famille, le faire enterrer. J'ai fait disjoncter tout le monde en leur disant que je vais assister à l'enterrement. […] Pour eux, on avorte, c'est rien, après on en a un autre derrière, même deux. Mais moi, je me fous des autres! Mon problème, c'est que je suis mère, et de cet enfant-là. Je ne vois pas la trisomie. Et comment je peux faire qu'il n'existe pas? […] Etc.

Le médecin raccompagne la patiente puis rentre, faisant mine comiquement de s'essuyer le front, puis, gentiment : "vous avez vu, hein, c'était chiant. Et c'était loooong! Je peux vous dire que je me suis contrôlé plusieurs fois!!… Et, en même temps… c'est mieux comme ça : il faut bien qu'ils fassent leur décision! Et puis, comme elle a oublié d'être bête, elle va réfléchir…"
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MessageSujet: Re: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyLun 29 Mai 2006 - 23:36

Voilà un petit bout de mon mémoire, et quelques annexes.

J'espère que ce sera utile, que cela pourra servir à la réflexion, sinon, autant l'enlever tout de suite!
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MessageSujet: Re: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyLun 29 Mai 2006 - 23:37

Je vais lire ça attentivement...
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MessageSujet: Re: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyJeu 15 Juin 2006 - 21:41

Bon j'ai bien envie de le mettre en post-it un petit moment histoire que cela marque l'intention...
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MessageSujet: Re: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyDim 18 Juin 2006 - 13:50

ça a pas l'air d'inspirer grand monde... Pourtnat je suis sûr que ça fournirait un peu + les arguments de Fourmi... Mais ça demande une lecture attentive et concentrée...
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MessageSujet: Re: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyDim 18 Juin 2006 - 17:48

.................

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MessageSujet: Re: eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret   eugénisme, biopolitique, vie, mort...la décision au concret EmptyLun 19 Juin 2006 - 0:40

Suspect
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