| | « Tu appartiendras à l’élite, mon fils. » | |
| | Auteur | Message |
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stephane Calife
Nombre de messages : 963 Localisation : paris Date d'inscription : 20/12/2005
| Sujet: « Tu appartiendras à l’élite, mon fils. » Ven 31 Mar 2006 - 1:38 | |
| « Allo ? Ici, l’Ecole. » « Tu appartiendras à l’élite, mon fils. » mardi 28 mars 2006. Si un jour, l’envie vous prend d’appeler l’Ecole Normale Supérieure, ne soyez pas surpris par votre interlocuteur. Là bas, dans le temple républicain de l’intelligence, de la reconnaissance, etc, l’on vous parlera de "l’Ecole". Le raccourci est-il purement langagier ou est-il symptomatique ? Ne peut-on pas y voir une certaine volonté totalisante, englobante, une résurgence “louis-quatorzienniste” de centralisme, un "L’Ecole c’est nous" ? L’Ecole Normale Supérieure comme essence, Idée d’ “Ecole” : hors de l’Ecole point de salut.
On ne peut nier le prestige de cet établissement, ni les qualités de certains élèves. Or n’est-ce pas ce que Bourdieu appelle du « racisme de l’intelligence » [1] ?
« Ce racisme [le racisme de l’intelligence] est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d’être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. » [2] « Le racisme de l’intelligence » serait donc fondé sur un héritage non pas financier mais “intellectuel”, une génétique de l’érudition, une transmission d’un patrimoine familial qui ne peut se chiffrer en euros. Or il est à la racine d’une « sociodicée » [3] : "Je suis intelligent donc je domine". Or ce capital intellectuel est transmis, ainsi l’« ordre social » [4] se perpétue. La question se pose alors de savoir ce qu’on appelle "intelligence".
Que prendre en compte donc pour évaluer cette "intelligence" ? Bourdieu observe que « les titres scolaires sont censés être des garanties d’intelligence » [5] et ajoute que ces derniers n’ont fait que prendre la place des titres de propriété et de noblesse. Revient donc ici le motif d’une reproduction sociale, aristocratique, non plus issue de privilèges mais de « titres scolaires » [6].
Or il semblerait qu’un tel dispositif soit fondé institutionnellement : c’est ce qui intéresse ici Bourdieu. Premièrement, soit ce « racisme » est « déclaré » [7], soit il est « sous une forme hautement euphémisée » [8]. Concrètement soit un établissement scolaire déclare prendre les "meilleurs" - les grandes écoles - soit tout le monde peut entrer mais il faudra se battre pour en sortir avec un passeport de l’intelligence - l’université. Autrement dit l’alternative se situe entre dire ce que l’on fait réellement - prendre les "meilleurs" - ou alors, dans un semblant d’idéalisme républicain, poster les péages non pas à l’entrée mais à la sortie.
Les données du problème sont différentes mais ce dernier est lui toujours identique : nous sommes dans « une société fondée sur une discrimination à base d’“intelligence”, c’est-à-dire fondée sur ce que mesure le système scolaire sous le nom d’intelligence » [9]. On pourrait répondre à Bourdieu : "Et alors ?". L’"incapable", le "mauvais" devraient-ils être notre "élite", en haut de la hiérarchie sociale ? Si cela était ainsi, à quoi bon alors travailler, étudier, ... ? Or la difficulté ne se trouve pas sur ce plan : « Le classement scolaire est un classement social euphémisé, donc naturalisé, absolutisé, un classement social qui a déjà subi une censure » [10]. Le système dénoncé par Bourdieu est une sélection a priori des "intelligents". « Le classement scolaire » est déjà déterminé par « les différences de classe » [11] qui se transforment en des « différences d’“intelligence”, de “don”, c’est-à-dire en différences de nature » [12]. La hiérarchie est déjà établie et la fiction de l’école ne fait que traduire du déjà-donné qui se manifeste comme « un capital culturel et une bonne volonté à l’égard des sanctions scolaires » [13].
De là pouvons nous peut-être saisir le "pourquoi" d’un système de classes préparatoires, de grandes écoles... Le « numerus clausus », qu’évoque Bourdieu [14], n’est que le filtre apparent du système "élitiste" : on est élite de père en fils. Le bon "bobo", s’indignant d’un racisme que l’on peut appeler "classique", ne fait au final que protéger son système en attirant l’attention sur des choses où, de façon politiquement correct, il faut prendre son plus bel air indigné. Mais sur l’aristocratisme républicain, pas un mot : comment scier la branche sur laquelle on m’a hissé ?
Nous nous demandions plus haut si la désignation commune de l’Ecole Normale Supérieure par l’humble sobriquet "l’Ecole" était le reflet d’une optimisation temporelle du langage ou plutôt s’il revêtait un caractère symptomatologique. Maintenant armés, nous pouvons investir la symbolique rue d’Ulm, l’idée en tête que "Normale" n’est que le paradigme d’un système : « Parce que vous êtes un grand Seigneur, vous vous croyez un grand génie ! Noblesse, fortune, un rang, des places : tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ! Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus »
sources:http://cratylogos.hebserv.be/article.php3?id_article=1 | |
| | | lomig second conseiller
Nombre de messages : 466 Age : 41 Localisation : Les Ravenelles Date d'inscription : 18/05/2006
| Sujet: Re: « Tu appartiendras à l’élite, mon fils. » Mer 14 Juin 2006 - 22:19 | |
| Cela rejoint aussi les analyses le splus intelligentes de Bourdieu et Passeron dans "Les héritiers" ou "La reproduction".
Il faut savoir que le racisme de l'intelligence n'a pas lieu que dans ces grandes écoles. Il est présent insidieusement dans toutes écoles depuis la maternelle jusqu'au bac. Le capital social, culturel et économique, dont les deux premiers ne sont pas quantifiables, et les effets du 3e pas totalement objectivables, permet à l'individu d'intérioriser ce capital et de le naturaliser dans ce que Bourdieu appelle l'Habitus. Cette naturalisation de la "différence" joue sur plusieurs niveaux à l'école: Elle va en effet dans le sens du "tu seras l'élite mon fils", mais va aussi dans le sens du "tu n'arriveras à rien mon fils". C'est un racisme à double tranchant. De nombreuses barrières à l'intérieur de l'école se mettent en place, des systèmes d'étiquetage des élèves qui les stigmatisent et qui mènent au retournement des stigmates ou à des prophéties auto-réalisatrices dont nous ne pouvons que nous plaindre. Le système scolaire reproduit ainsi, malgré l'apparence de la promotion d el'égalité des chances, le système des dominants et leur caste privilégiée.
Quant au racisme de l'intelligence propre aux grandes écoles il est intéressant de signaler qu'il s'accompagne aussi des titres "nouveaux" que l'on peut obtenir dans un démocratie et que Bourdieu appelle "la noblesse d'Etat"...
Que d'inégalités... | |
| | | stephane Calife
Nombre de messages : 963 Localisation : paris Date d'inscription : 20/12/2005
| Sujet: Re: « Tu appartiendras à l’élite, mon fils. » Mer 14 Juin 2006 - 23:23 | |
| - Citation :
- CHARTE DE LA TRANSDISCIPLINARITÉ
Préambule
Considérant que la prolifération actuelle des disciplines académiques et non-académiques conduit à une croissance exponentielle du savoir ce qui rend impossible tout regard global de l'être humain ,
Considérant que seule une intelligence qui rend compte de la dimension planétaire des conflits actuels pourra faire face à la complexité de notre monde et au défi contemporain d'autodestruction matérielle et spirituelle de notre espèce,
Considérant que la vie est lourdement menacée par une technoscience triomphante, n'obéissant qu'à la logique effrayante de l'efficacité pour l'efficacité,
Considérant que la rupture contemporaine entre un savoir de plus en plus accumulatif et un être intérieur de plus en plus appauvri mène à une montée d'un nouvel obscurantisme, dont les conséquences sur le plan individuel et social sont incalculables,
Considérant que la croissance des savoirs, sans précédent dans l'histoire, accroît l'inégalité entre ceux qui les possèdent et ceux qui en sont dépourvus, engendrant ainsi des inégalités croissantes au sein des peuples et entre les nations sur notre planète,
Considérant en même temps que tous les défis énoncés ont leur contrepartie d'espérance et que la croissance extraordinaire des savoirs peut conduire, à long terme, à une mutation comparable au passage des hominiens à l'espèce humaine,
Considérant ce qui précède, les participants au Premier Congrès Mondial de Transdisciplinarité (Convento da Arrábida, Portugal, 2-7 novembre 1994) adoptent la présente Charte comprise comme un ensemble de principes fondamentaux de la communauté des esprits transdisciplinaires, constituant un contrat moral que tout signataire de cette Charte fait avec soi- même, en dehors de toute contrainte juridique et institutionnelle. | |
| | | lomig second conseiller
Nombre de messages : 466 Age : 41 Localisation : Les Ravenelles Date d'inscription : 18/05/2006
| Sujet: Re: « Tu appartiendras à l’élite, mon fils. » Jeu 15 Juin 2006 - 1:07 | |
| Peux-tu m'indiquer où tu as trouvé cette charte?
Je me permets juste un commentaire: Je trouve qu'ils sont un peu trop radicaux... J'ai des doutes quant à leur honnêteté intellectuelle... Mais avant d'aller plus loin, j epréférerais lire la suite, si tu pouvais m'indiquer l'adresse. Merci beaucoup.
Sion, c'est agréable de trouver des gens motivés pour créer des ponts, des connexions entre des mondes qui divergent, et comme le dirait desproges, diverges, c'est énorme! | |
| | | stephane Calife
Nombre de messages : 963 Localisation : paris Date d'inscription : 20/12/2005
| Sujet: Re: « Tu appartiendras à l’élite, mon fils. » Jeu 15 Juin 2006 - 1:14 | |
| sources:http://nicol.club.fr/ciret/chartfr.htm voici le lien de l'association:http://nicol.club.fr/ciret/index.htm | |
| | | fourmi second secretaire
Nombre de messages : 877 Age : 75 Localisation : Agii Deka (Crète) Date d'inscription : 21/12/2005
| Sujet: Re: « Tu appartiendras à l’élite, mon fils. » Sam 14 Oct 2006 - 9:07 | |
| Je préfère :
Tu seras un homme, mon fils.
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie Et, sans dire un seul mot te remettre à bâtir Ou perdre d'un seul coup le gain de cent parties Sans un geste et sans un soupir.
Si tu peux être amant sans être fou d'amour, Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre, et, te sentant haï, sans haïr à ton tour, Pourtant lutter et te défendre.
Si tu peux supporter d'entendre tes paroles Travesties par des gueux pour exciter les sôts, Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles Sans mentir toi-même d'un mot.
Si tu peux rester digne en étant populaire, Si tu peux rester peuple en conseillant les rois Et si tu peux aimer tous tes amis en frères Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi.
Si tu sais méditer, observer et connaître, Sans jamais devenir sceptique ou destructeur, Rêver, sans laisser ton rêve être ton maître Penser, sans n'être qu'un penseur.
Si tu peux être dur sans jamais être en rage, Si tu peux être brave et jamais imprudent, Si tu peux être bon, si tu sais être sage, Sans être moral ni pédant.
Si tu peux rencontrer triomphe après défaite Et recevoir ces deux menteurs d'un même front. Si tu peux conserver ton courage et ta tête, Quand tous les autres la perdront.
Alors, les rois, les dieux, la chance et la victoire Seront à tout jamais tes esclaves soumis, Et, ce qui vaut mieux que les rois et la gloire, Tu seras un homme, mon fils.
Rudyard Kipling
Cordialement
fourmi | |
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